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LA CRISE SANITAIRE du COVID-19 (Coronavirus): Quelles conséquences pour les entreprises et leurs acheteurs ?

Crise sanitaire coronavirus - COVID-19
  1. LES ENTREPRISES FACE A LA CRISE SANITAIRE
    Traverser la crise sanitaire sans « y laisser sa peau », telle est certainement l'ambition de toutes les entreprises et de leurs salariés qui, pour y parvenir doivent compter sur leurs propres moyens même si certains pays mettent en place des mesures d’aide financières, de report de charges, pour empêcher les entreprises de déposer le bilan et pour soutenir l’emploi.
    Il n'y a pas de recette miracle, il faudra surtout pouvoir s'adapter et faire face à toutes les difficultés économiques engendrées par ce virus.
    Certaines entreprises et les sous-traitants, compte tenu de leur niveau de stocks continuent à produire mais jusqu’à quand ?
    D’autres, trop dépendantes de pays comme la Chine, subissent de plein fouet l’arrêt de leurs approvisionnements et de leurs chaînes de production.
    Les entreprises qui ont des trésoreries fragiles vont-elles pouvoir tenir malgré un carnet de commandes rempli ?
     
    1. Quel sera le comportement des banques et organismes financiers ?
      Si la crise de 2008 générée par les banques, ont mis en grande difficulté l’ensemble des entreprises des différents pays, la crise sanitaire de 2020 semble être l’inverse : C’est la crise sanitaire qui rovoque les difficultés des entreprises, crise qui se répercute sur les bourses de la plupart des pays et par conséquence sur les banques. Les Banques ont perdu en quelques jours une partie de leur valeur boursière : SOCIETE GENERALE -17,14 %, CREDIT AGRICOLE - 16,49 %, BNP PARIBAS -13,07 %.
      La Banque centrale européenne dont le discours de sa présidente Christine LAGARDE était attendu, a assuré qu'elle comptait acheter 120 milliards d'euros de dette publique et privée supplémentaire d'ici à la fin de l'année. Une manière de soulager les Etats et les banques sous tension face à la crise économique qui se profile.
      Autre mesure : l'autorité bancaire va assouplir les conditions d'octroi et de renégociation des prêts destinés aux « petites et moyennes entreprises ». Enfin, elle autorise les banques à opérer temporairement en dessous des exigences de fonds propres et de liquidité en vigueur.
      Compte tenu de cette situation et malgré l’intervention de la BCE et des gouvernements des différents pays européens, les banques vont-elles durcir les conditions d’octroi des découverts ou de crédits ? Cela représenterait un réel danger pour les entreprises et notamment les PME.
      Ces mesures seront-elles suffisantes pour sauver les entreprises ?
       
    2. La situation actuelle de nos entreprises

      Aujourd’hui les grandes entreprises peuvent disposer de moyens pour faire face à la crise, il n’en est pas de même pour les PME qui manquent de trésorerie.
      Face à cette crise sanitaire, les PME sont les plus exposées, le danger réside surtout au sein des entreprises qui se sont endettées du fait de la reprise économique et qui, aujourd’hui, doivent faire face à des dépenses importantes non compensées par des recettes immédiates.
      Pour une PME qui attend le paiement d’un client, le risque est de voir le délai de paiement de son client s’allonger par manque de liquidités. A son tour, la PME éprouvera des difficultés à payer ses fournisseurs et pourra se retrouver dans une situation délicate. Cela peut devenir des faillites en cascade.
      En cas de défaut de coordination de paiement l’entreprise a normalement la possibilité de s’adresser à sa banque mais encore faut-il que celle-ci puisse lui venir en aide. Certaines entreprises ont des facilités de caisse comme des découverts ou des escomptes. Or les banques auront-elles la possibilité de continuer à les maintenir ?
      Certains gouvernements européens ont précisé qu’ils soutiendront les entreprises « quoiqu’il en coûte ». Mais auront-ils les moyens et les moyens seront-ils suffisants ?

      Il est quasiment certain qu’une partie des TPE ou PME déposera le bilan malgré les aides qu’apporteront les Etats.
      « Si les trésoreries s'écroulent et que les PME ne peuvent plus payer leurs factures à temps, on court à la catastrophe en chaîne », s'inquiétait en 2009 le président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises française (CGPME) ». Ne risque-t-on pas, aujourd’hui, de se retrouver dans la même situation ?
       

    3. Le changement de mentalité des entreprises dans ce contexte
      La crise du coronavirus (Covid-19) va-t-elle bouleverser l’économie mondiale durablement et rebattre les cartes en matière d’approvisionnement ? J’en suis intimement persuadé !
      Bon nombre de gouvernements et d’entreprises commencent ainsi à pousser l’idée de relocaliser en Europe des productions jusqu’à présent réalisées en Chine, véritable atelier du monde.
      Parmi eux le ministre français de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire qui souligne "la nécessité impérative de relocaliser un certain nombre d’activités et d’être plus indépendant sur un certain nombre de chaînes de production".
      Laurence BOONE cheffe économiste à l’OCDE précise : « Ce que cette crise a mis en exergue, c’est la dépendance parfois très forte à un pays comme la Chine, c’est le manque de diversification dans nos approvisionnements pour les chaînes de production et pour la consommation. Cette crise amènera tous les pays qui sont touchés à réfléchir. »
      Ainsi certains secteurs d’activité ont subi des arrêts de production du fait de l’arrêt total de l’activité chinoise durant 47 jours, et même si la production semble reprendre en Chine, le redémarrage prendra un certain temps et à ce temps il conviendra d’ajouter le délai d’acheminement des pièces ou matières.
      L’activité automobile est très dépendante de l’approvisionnement chinois et le fait que la Chine ait stoppé totalement sa production durant ce laps de temps, a eu un impact direct sur les possibilités d’approvisionnement de cette industrie.
      En ce qui concerne le secteur de la santé et des médicaments, l’industrie européenne dépend à 80 % ou 85 % de principes actifs pour les médicaments qui sont produits en Chine, ce qui aujourd’hui semble totalement déraisonnable. De nombreux laboratoires se posent aujourd’hui la question de leur sécurité d’approvisionnement et envisage de modifier leur politique en matière de sourcing.
      Le changement de politique des entreprises impactera directement sur la politique et les stratégies achats.
       
    4. Le changement de politique et stratégies achat
      Longtemps le prix a été le critère majeur du choix des fournisseurs. La raison est simple, la plupart des acheteurs est jugé sur la performance du prix. Certaines entreprises intègrent la notion de coût complet et jugent la performance du service achat sur l’évolution de ce coût.
      Rarement les risques et notamment la sécurité des approvisionnements ont été pris en compte dans les critères prioritaires du choix du fournisseur. Combien d’entreprises ont mis en place des plans de sécurisation des approvisionnements dans lequel un plan B est prévu en cas de défaillance provisoire ou définitive du fournisseur A ? A ce jour, elles sont très peu nombreuses !
      La sécurité des approvisionnements deviendra une des priorités au même niveau que les critères de prix et de qualité.
      La mise en place des plans de sécurisation deviendra un des objectifs du service achats pour assurer les approvisionnements quelle qu’en soit la raison.
      Ce plan de sécurisation impactera sur la stratégie achat car elle amènera les acheteurs à se poser les bonnes questions :
      •    Quel fournisseur B ?
      •   Quelle répartition de « business » entre les fournisseurs A et B ? Est-il envisageable d’avoir un fournisseur B sans lui octroyer une partie des commandes ? Quel est le risque ?
      •   Quel impact sur le niveau de stock ? Le fournisseur B a-t-il la même réactivité que le fournisseur A ? Le même délai de fabrication ?
      •   Si le produit acheté nécessite des outillages (moules, outils de découpe, etc…), l’entreprise aura-t-elle les moyens de financer un second investissement ?
      •   Les fournisseurs A et B doivent-ils être positionnés dans le même pays, sur le même continent ? Quel est le risque ? Quel impact sur les coûts logistiques ?
      •   La stratégie achat visait la réduction du panel fournisseurs or la sécurisation des approvisionnements risque d’impacter ce panel en augmentant le nombre de fournisseurs. Comment faire pour ne pas générer des coûts supplémentaires (suivi, audit, etc…) ?
       
    5. Les entreprises vont se tourner vers leur service achats

      Corollaire d'une situation économique difficile, un grand nombre d’entreprises vont se tourner davantage vers leur service achats pour mettre en place de nouvelles stratégies.

      La priorité de certaines entreprises était de réduire les coûts. Aujourd’hui elles vont demander également aux acheteurs de sécuriser leurs approvisionnements et de manager ce risque.

      Dans ce contexte, les directions générales vont compter en partie sur leurs acheteurs. En première ligne pour réaliser des économies, car la notion de coût demeurera présente, ces derniers se trouveront néanmoins face à une problématique stratégique : Sécuriser les approvisionnements sans impacter le coût global !
      Les achats devront agir avant tout comme des gestionnaires des risques d’approvisionnement avec un objectif en vue : assurer la continuité de la production au moindre coût.
      Or tous les acheteurs savent que la répartition des quantités entre 2 ou plusieurs fournisseurs, si elle sécurise les approvisionnements, elle impacte le prix par la division des quantités et le coût par la multiplication des transports.
      Se passer des pays à bas coûts comme fournisseurs uniques sera également un challenge que les acheteurs devront intégrer.
      Enfin ils devront faire face à la volonté de leur entreprise de relocaliser leurs approvisionnements dans un périmètre plus restreint et cela représentera un travail colossal pour sourcer des nouveaux fournisseurs, les présélectionner, lancer les appels d’offres, dépouiller les offres, négocier, faire le choix des fournisseurs, préparer les contrats ou commandes, suivre la livraison des échantillons pour validation et enfin mettre en place un suivi de performance de ces nouveaux fournisseurs, tout en assurant le travail courant.

  2. LES ACHETEURS FACE A LA SORTIE DE CRISE
    Les entreprises et leurs acheteurs devront donc agir de manière coordonnée dans la gestion de leurs approvisionnements. Mais là ne s’arrêteront pas les problèmes auxquels les acheteurs seront confrontés !!!!
    En effet d’autres, tous aussi importants, seront à prendre en compte pour assurer les approvisionnements afin de ne pas mettre en péril la pérennité de leur entreprise.
     
    1. La disparition de fournisseurs
      Malheureusement, les effets de la crise contraindront certains fournisseurs à déposer le bilan. Les acheteurs qui, d’une part, ne suivront pas de très près la santé financière de leurs fournisseurs et d’autre part qui n’auront pas sécurisé leurs achats par une double source, risquent d’avoir quelques difficultés à retrouver des partenaires fiables.
      Et quand bien même ils retrouveraient des fournisseurs répondant aux critères définis, leur agrément et la validation de leurs produits risquent de prendre quelques temps sans tenir compte des coûts engendrés par ces démarches. Or les clients n’attendront pas, ils continueront à être exigeants sur les délais de livraison !!!
       
    2. Les difficultés financières des fournisseurs « survivants »
      Même si durant la crise, un certain nombre de fournisseurs aura réussi à échapper aux difficultés financières en ayant économisé le cash dont ils disposaient avant la crise, il n’en demeure pas moins que quelques-uns risqueront d’être confrontés à des difficultés financières de tous ordres :
      •    Le dépôt de bilan de clients avec des créances qu’ils ne pourront jamais recouvrer
      •    Une mauvaise cotation par les organismes d’analyse financière d’où un risque de réduction des lignes de crédit et par conséquent des difficultés à obtenir des matières, difficultés assorties d’une réduction importante des délais de paiement de leurs propres fournisseurs.
       
    3. L’impact sur l’emploi
      Les pays risquent de connaître une augmentation du chômage considérable.
      Les défaillances d'entreprises peuvent s'accélérer, de ce fait, les objectifs financiers des entreprises seront de plus en plus souvent révisés à la baisse et les résultats annoncés pourront difficilement atteindre les prévisions. En conséquence, les plans d'économies renforcés se multiplieront éventuellement à grands coups de licenciements, d'annulation des investissements.
       
    4. Les difficultés d’approvisionnement et le rallongement des délais des fournisseurs
      Pour faire face à la crise, nos propres fournisseurs mais également les fournisseurs de nos fournisseurs ont été contraints d’ arrêter ou réduire considérablement leur production. Lors de la reprise, tous ces fournisseurs seront incapables de répondre à la demande dans des délais initialement fixés, la demande importante des matières premières impactera sur les délais de livraison.
      Les délais fournisseurs se trouvant rallongés, une mise à jour de la base de données fournisseurs s'avèrera nécessaire dans l’ERP afin de prendre en compte les délais d’approvisionnement nécessaires à la détermination du point de commande pour la gestion des stocks.
      L’absence de cette mise à jour de cette base pourrait entraîner des retards dans l’émission des commandes ou des appels de livraison ce qui engendrerait inévitablement une répercussion sur les délais de livraisons des produits finis aux clients et leur insatisfaction.
      Si l’activité reprenait très rapidement dans la plupart des secteurs d’activité, les offres pour les personnes disponibles sur le marché de l’emploi seraient nombreuses. Les premières entreprises choisiront les personnes les plus qualifiées. Les autres devront « se contenter » des moins qualifiées en misant sur une formation « sur le tas » nécessitant une adaptation aux postes.
      Ceci impactera inéluctablement sur la productivité et rallongera les délais de livraison aux clients.
       
    5. Les risques de non-qualité des produits achetés
      Les fournisseurs qui auront licencié, seront contraints d’augmenter leur capacité de production pour répondre à la demande des acheteurs. Ils devront avoir recours à des contrats à durée déterminée ou d’intérim.
      Ces entreprises n’auront pas matériellement le temps ou ne prendront pas le temps de former correctement ces personnels ce qui risque d’impacter sur la qualité des produits livrés.
      L’augmentation rapide de la production, le manque de formation des personnels récemment embauchés que ce soit par contrat à durée déterminée ou contrat d’intérim risque d’impacter sur le niveau de non-qualité en interne.
      La non-qualité découverte en interne, la moins pénalisante pour l’entreprise, générera malgré tout des coûts soit du fait de la réparation, soit du fait de la destruction des produits non conformes.
      Quant à la non-qualité découverte chez le client, elle génèrera également des coûts c’est un moindre mal, mais elle risque surtout d’entraîner la perte du client ce qui est bien plus grave !
       
    6. La hausse des coûts d’achats
      Tout d’abord, la relocalisation des productions chez des fournisseurs européens se traduira en règle générale par des augmentations de prix, de coûts et éventuellement de délais de livraison.
      Les offres d’emploi des personnes qualifiées étant nombreuses, les entreprises devront se « battre » sur le niveau des salaires pour attirer les personnes les plus qualifiées vers elles.
      Cette situation aura pour conséquence l’augmentation des salaires et ainsi l’augmentation des coûts de production donc des prix de revient des produits finis.
       
    7. Les difficultés pour les fournisseurs à financer de nouveaux investissements productifs
      A l’issue de la crise, seul un certain nombre de fournisseurs sera en mesure d’autofinancer les investissements productifs. Les autres devront avoir recours aux banques. Or les banques n’accorderont des crédits qu’aux entreprises qui présenteront des situations financières relativement saines et qui seront capables de présenter des projets créateurs de valeur.
       
  3. CONCLUSION
    « Si cela dure deux à trois mois, la récession sera certes brutale et violente mais les conséquences seront moins fortes qu'en 2008 où des plans de licenciements avaient mis des millions de gens au chômage, analyse le directeur de Montségur Finance. Si la crise est courte, l'économie se relèvera rapidement. »
    Certains experts assurent que la seule bonne nouvelle ne pourrait venir que d'une sortie de crise sanitaire.
    La situation pour les entreprises et leurs acheteurs s’annonce donc difficile. Ceux qui auront su anticiper les difficultés à venir et prendre des mesures avant la crise auront les meilleures chances de « tirer leur épingle du jeu ». Ceux qui auront su tisser des liens forts avec leurs fournisseurs et qui auront pris en compte les risques d’approvisionnement en répartissant leurs achats sur au moins deux fournisseurs et sur deux continents différents auront une longueur d’avance.
    Mais il convient cependant de noter que toutes les « cartes » ne sont pas entre les mains des entreprises et des acheteurs, certains facteurs sont extérieurs : la durée de la crise et la façon dont la reprise interviendra, sur ces 2 points ni les fournisseurs ni les acheteurs n’en ont la maîtrise.
    Si la durée de la crise est longue, elle génèrera de nombreux problèmes ! Courte, elle les atténuera !
     
    Enfin si la reprise est rapide, elle engendrera d’autres problèmes (capacité de production, approvisionnement de matières premières, etc.…) Lente, elle les atténuera.
    Il sera donc nécessaire pour les entreprises et leurs acheteurs de composer avec l’ensemble de ces facteurs !
     

Louis LANGUENOU
Consultant en organisation Achats - Formateur